Medine - Boulevard Auriol

Medine - Boulevard Auriol

Sénégal 1978, le départ de mon pays ressemble plus à ma fuite br J'ai entrevu la réussite et son manteau tricolore br Pris refuge au près de l'ex-colonisateur br Homme de couleur qui un jour quitta l'Afrique br Quitta l'hémisphère sud et le Cancer des Tropiques br En direction des cités d'or br Mis le cap sur le Nord br Sans ma famille mais l'issue de son sort br Paris la capitale Française, br J'atterri sur la plus belle ville du monde entre deux chaises br Entre les boulots et l'entassement des foyers br Entre l'argent familial et le règlement du loyer br Si mes calculs restent bons, jusqu'en août br J’arriverais à m'en sortir br Mais en marchant sur une poutre br Bientôt j'aurais de quoi les faire venir br Mon épouse mon fils et ma fille pour changer d'avenir br Plus d'un millier de journées ont passées br Je retrouve le visage de ma famille soulagé br Apres leur vol avec escale sur le territoire d'Espagne br Le temps d'un contrôle de réparer les pannes br En panne de coeur en mal du pays br Mon fils et ma fille pleurent leurs amis chaque soir dans leur lit br Dans quelques mètres carrés fermés de contre-plaqué br Pour que le froid hivernal se trouve contre carré br Ménagère dans les hôtels est mon épouse br La peinture en bâtiment sera ma seconde épouse br Avant qu'elle me foute à la porte un joli soir de printemps br Et qu'elle me dise débrouille toi maintenant br Entre temps quelques nouvelles frimousses apparaissent br Un deuxième fils une deuxième fille, une double caresse br Et comme les bonnes nouvelles n'arrivent jamais seules br Je me retrouve sans un toit avec mes valises sur le sol br Retour au point de départ br Sur les quais de la gare br Habitations faites de toiles br Ce sont des tentes pour dortoir br Des couvertures dans la boue pour Marabout br Une corde entre deux trous pour faire sécher les boubous br France terre d'accueil, loin de mon village br Je ressens la ségrégation dans les plis de leurs visages br Apparemment les droits de l'homme ne marche pas pour les hommes noirs br Ne marchent pas pour les femmes noires br Mais l'exception de la règle un jour descendit de son bus br Sur son t-shirt était écrit Emmaüs br Appartement provisoire trouvé par les gens du livre br Vincent Auriol c'est le nom qui nous délivre br Un boulevard du 13ème arrondissement de Paris br Provisoirement j'y habiterai en plus le quartier est paisible br La charpente a l'air solide mais le bois est sec br Un incendie n'en ferait qu'une bouchée de pain sec br Sans attendre j'emménage avec ma femme de ménage br Avec mes problèmes d'argent et mes enfants en bas âge br J'envisage de rester peu de temps ici br Alors j'entreprends des démarches à la mairie de Paris br Simple précaution j'épluche les annonces br Mais derrière chaque demande se cache la même réponse : br "On vous rappellera, l'appart est déjà loué" br Même si parfois j'avais d’avance de quoi payer 3 loyers br 15 ans pour comprendre le système br 15 ans de lettres mortes envoyés au ministère br Trop étroit est devenu ce double F3 br Et s'en est trop car les petits se sont fait mordre par les rats br Insalubrité au rendez vous des crasseux br Suffisant pour mon espèce, pour les gens de ma race br Voici la France des odeurs qui ressurgit br Le tas de poussière qu'on a glissé sous un tapis br Dernière couche de peinture au plomb, c'est là leur socialisme br Mais ce sont nos enfants qui souffrent de saturnisme br Et je repense à ma venue de Dakar br Le rêve européen s'est transformé en cauchemar br br --Extrait du journal télévisé de France 2" (les enfants que l'on entend ici sont morts dans cet incendie, paix à leur âme) br "Mais depuis quelque semaines, elle craque, son fils de 6ans aurait été mordu par un rat en pleine nuit" br br -(le petit parle) Il était monté ici, après il est venu par ici, après il a sauté et après il m'a mordu.. br br "Mais aujourd'hui les habitants craignent pour leur sécurité et redoutent un incendie" br br --fin de l'extrait -- br br Voici l'heure d'un repos bien mérité br Apres une dure journée de labeur je m'assois devant la télé br "¨PAPA !! PAPA !!" -Mais qu'est qui a encore, vous devriez déjà être couché n'avez vous pas vu l'heure ? br Je me dirige vers la porte qui mène à l'autre appartement br Qui sert de salle de jeu et de chambre pour enfants br Une fumée noire qui s'infiltre sous la porte br Un hurlement de femme, qu'a t-elle a crier de la sorte ? br Ce sont des flammes, des flammes grandes comme les montagnes br Qui embrasent le corridor, les escaliers avec hargne br Un monstre de feu qui avale tout sur son passage br Qui détruit les fondations étage par étage br C'est une boite d'allumette enflammée de 6 étages br Une prison de feu qui entreprend son carnage br Aucune issue et ce depuis des années br Aucun extincteur ni détecteur de fumée br Et soudain je me souviens la raison pour laquelle je me suis levé du fauteuil br Pour les enfants et leurs querelles br Désormais séparés par l'incendie br Je cherche le regard d'un de mes fils d'un de mes filles br Ne bougez pas j'appelle les combattants du feu br Car papa n'est pas assez fort pour sauter dans le feu br Sauter dans le brasier d'un immeuble insalubre br Autant fermer les yeux et prier fort pour son salut br 10 minutes se sont passées, aucune sirène aucune aide br Les entrées sont scellées dirigez vous vers les fenêtres br A plat ventre comme les cafards nos collocataires br La position est bien connue, face contre terre br En une fraction de seconde c'est ma vie qui s'enfuit br Lorsque le plafond s'écroule sur le dos de ma famille br Voici mon cercueil, ma cité provisoire br Vincent Auriol c'est le nom de son boulevard br br 15 ans, 17 personnes sacrifiées br 14 enfants ont péri sur le bûché br Bien souvent l'atrocité de la mort fait bouger les choses br Car désormais ils seront logés sur les roses br Dernière insulte par le chef commissaire : br "Tous ces noirs sont-ils en situation régulière ?" br Voici le prix du sang d'une ancienne colonie br Voici le respect attribué aux familles br .. br Voici le respect attribué aux familles br br Jammeh, Gassama, Cissé, Konaté, Diarra, Sy, Traoré, Sissokho, Dembélé br Et les familles de l'hôtel Opéra br Paix...Paix...


User: cirillo

Views: 3

Uploaded: 2006-11-19

Duration: 05:07

Your Page Title