La France ne tolère en aucun cas la GPA

By : Anne-Yvonne Le Dain

Published On: 2016-06-17

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06:08

Je suis intervenue jeudi 16 juin dans l'hémicycle dans le cadre des discussions de la proposition de la loi constitutionnelle visant à rendre constitutionnel le principe d’indisponibilité du corps humain et de la proposition de loi visant à lutter contre le recours à une mère porteuse. Ci-dessous, je vous propose un extrait de mon intervention. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les textes internationaux et européens évoquent peu la grande question des droits sexuels et reproductifs, comme si l’intimité de chacun, qui est une affaire privée, ne pouvait pas faire l’objet de discussions publiques, comme ce fut longtemps le cas pour le viol et les violences conjugales.

Or ces droits concernent essentiellement les femmes, le corps des femmes. (...)

Dans cet esprit, la gestation pour autrui, qui n’est rien d’autre que le commerce du ventre des femmes, est condamnable – et condamnée par notre droit, j’en conviens. Mais il est bon que le débat ait lieu, car ailleurs dans le monde cette pratique se développe et des enfants nés par GPA arrivent en France. Or ces enfants ont été portés par des femmes qui prennent tous les risques, moyennant finances – ou pas –, pour satisfaire le désir d’enfant de personnes inconnues mais riches. Les risques sont pour les premières, les bénéfices pour les secondes : de quel droit ?
Les techniques actuelles et certaines législations permettent que l’enfant né de ce commerce aient trois voire quatre parents : le père génétique et les mères, invisibles et visibles. L’une d’elles aura donné ses gènes : pour cela, elle aura subi des stimulations hormonales pour provoquer l’ovulation et le geste invasif de la canule pour prélever les ovocytes. Une autre aura assuré les neuf mois de grossesse, l’accouchement par voie basse ou par césarienne ; elle aussi aura subi l’injection d’hormones, entre autres traitements. Ces deux femmes seront ensuite effacées : c’est ce qui se pratique dans les « fermes à femmes » qui se développent dans le monde, des États-Unis à l’Asie du Sud-Est, de certains pays de notre Europe jusqu’en Inde. Ces cliniques, où elles sont isolées de leur propre famille, sont ni plus ni moins que des usines où l’on paye des femmes pauvres pour produire les enfants de ceux qui peuvent payer. Ne serait-ce pas un nouvel avatar de la lutte des classes ?

La France ne tolère en aucun cas la GPA : le chef de l’État, François Hollande, l’a rappelé dans un courrier de 2014. Cette interdiction se fonde sur l’article 16-7 du code civil, ainsi que sur l’article 227-12 du code pénal. Je m’en réjouis parce qu’une femme n’est pas une dame-jeanne dotée d’un bouchon ! Certaines défendent le concept de « GPA éthique », ce qui est pathétique car les seules femmes qui ne seraient pas payées seraient cellse qui prendraient tous les risques : la donneuse d’ovocytes et la mère porteuse. Tous les autres seraient rémunérés : médecins, cliniques, intermédiaires et avocats. Mais la réalité d’une maternité, d’un accouchement, de la période dite post-partum, n’est pas idyllique : césarienne, épisiotomie, abcès, hémorragie, éventration, maladies endocriniennes, descente d’organe : ce sont des réalités concrètes, réelles !
Le droit a pour objet de protéger l’enfant – c’est là le plus important – et non de donner satisfaction à ceux qui ont violé la loi ! Ceux-là ont dépensé de 100 000 à 120 000 euros afin d’indemniser – ou pas – les deux mères biologiques, payer les médecins, les médicaments, les laboratoires, les cliniques et les avocats en charge de ces contrats. Ces personnes pourraient ainsi se prévaloir de leur propre turpitude, à seule fin de transmettre leurs gènes, leur sang. Ce serait reconnaître un droit du sang à ceux qui ont transgressé la loi !

(...)Je suis donc favorable à ce que le droit français permette aux femmes de porter leurs propres enfants, en utilisant les techniques d’assistance médicale à la procréation, qu’elles soient en couple avec un homme ou avec une femme, ou qu’elles soient célibataires – par analogie avec la loi adoptée à l’initiative du général de Gaulle dans les années 1960, autorisant les célibataires à adopter des enfants.

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ne doit pas seulement être comprise comme une égalité strictement juridique : elle doit se comprendre comme une égalité en humanité. Le sujet de la gestation pour autrui pose cette question-là.

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